Aperçu du marché : Le défi d’électrifier les collectivités hors réseau au Canada

Date de diffusion : 2018-10-03

Au Canada, plus de 280 collectivités regroupant quelque 200 000 habitants ne sont raccordées ni au réseau électrique nord-américain ni à un réseau de distribution de gaz naturelNote de bas de page 1. Ces collectivités éloignées ou hors réseau comptent principalement sur la production coûteuse d’électricité au diesel; d’autres sont reliées à des réseaux électriques locaux ou régionaux de moindre envergure dont l’électricité est produite au moyen de ressources hydroélectriques ou de gaz naturel liquéfié (GNL) transporté par camionNote de bas de page 2.

En dépit des difficultés, de nombreuses collectivités éloignées au Canada explorent des moyens de réduire leur dépendance à l’égard du carburant diesel, d’améliorer la fiabilité de leur électricité et de diminuer leurs émissions de carbone. Parmi les solutions envisagées, on note le développement des énergies renouvelables, l’hydroélectricité ou le GNL, l’agrandissement des réseaux existants et le raccordement au réseau électrique nord-américain.

Source et description

Source : RNCan – Base de données sur l’énergie dans les collectivités éloignées

Description : Cette carte interactive en format Tableau situe les 283 collectivités hors réseau au Canada (mai 2017). Elles sont représentées par des points de couleurs différentes selon leur source primaire d’énergie. Des 283 collectivités répertoriées, 171 sont des communautés autochtones, les 112 restantes ne l’étant pas.

Électrifier les collectivités éloignées est un volet primordial du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques du gouvernement du Canada. Ce cadre renferme l’engagement de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), en appuyant les efforts des collectivités rurales et éloignées qui visent à délaisser la production d’électricité au diesel au profit de sources d’énergie plus propres. La Première nation de Gull Bay, dans le nord de l’Ontario, en est un exemple. La communauté co-développe un micro-réseau qui utilisera l’énergie solaire, le stockage via batterie et la technologie de réseau pour réduire l'utilisation du diesel. Le projet, qui devrait être achevé à la fin de 2018, permettra de réduire l'utilisation de diesel d'environ 110 000 litres par an.

Les défis des régions nordiques

Environ le tiers des collectivités hors réseau, où l’on retrouve plus de 100 000 habitants, sont situées dans les territoires nordiques du Canada. Les deux autres tiers sont disséminés dans toutes les provinces, sauf les provinces maritimesNote de bas de page 3. Le caractère unique des territoires nordiques tient au fait qu’aucun n’est raccordé au réseau électrique nord-américain et que leur dépendance à l’égard du diesel pour produire de l’électricité est plus élevée que la moyenne, comme l’indiquent les zones en jaune dans le diagramme ci-dessous.

Source et description

Source : Avenir énergétique du Canada en 2017 de l’Office national de l’énergie

Description : Ce diagramme à barres en format Tableau présente les sources de production d’électricité dans chaque province et territoire au Canada. On y constate la forte dépendance à l’égard des hydrocarbures (diesel) pour la production d’électricité dans les territoires nordiques, en particulier aux T.N.-O. et au Nunavut. En 2015, aux T.N.-O., la production au diesel a satisfait 52 % de la demande d’électricité. Quant au Nunavut, toute sa production d’électricité provient du diesel. Le Yukon, pour sa part, n’a recours à ce combustible que pour 5 % de sa production d’électricité.

Le diesel est un combustible fiable, facile à stocker et à haute teneur énergétique. De plus, les génératrices au diesel sont relativement abordables et faciles à installer, et on peut en augmenter le nombre en fonction des besoins. En contrepartie, le diesel entraîne des coûts d’exploitation élevés, produit relativement plus d’émissions que d’autres sources et son prix est sujet à de fortes fluctuations. Cette filière énergétique pose d’importants défis aux résidents du Nunavut, dont les coûts d’énergie comptent parmi les plus élevés au Canada.

Pour que les coûts énergétiques demeurent abordables dans les régions nordiques, il faut accorder de généreuses subventions. Par exemple, les tarifs d’électricité dans toutes les collectivités du Nunavut sont subventionnés à hauteur de 28,4 cents le kilowattheure sur la première tranche de 1 000 kilowattheures par mois en hiver et de 700 kilowattheures par mois en été. Dès que la consommation excède ces seuils, l’usager paie le tarif non subventionné [anglais seulement], qui varie d’une collectivité à l’autre, soit de 56,7 cents le kilowattheure à Iqaluit à 112,3 cents à Kugaaruk.Note de bas de page 4 Les tarifs d’électricité aux T.N. O. [anglais seulement] sont aussi subventionnés; dans la plupart des collectivités, il s’établit à 29,5 cents le kilowattheure pour la première tranche de 600 kilowattheures d’électricité consommée. Au-delà de ce seuil, les tarifs augmentent pour refléter le coût réel – et atteindre 68,4 cents le kilowattheure – pour chaque kilowattheure supplémentaire consommé. À Yellowknife, le tarif d’électricité n’est pas subventionné et est fixé à 23,7 cents le kilowattheure.

Le réseau électrique territorial du Yukon comprend quatre centrales hydroélectriques et répond à plus de 95 % des besoins énergétiques du territoire. Durant les périodes de pointe ou lors de pannes du réseau hydroélectrique [anglais seulement], le Yukon se tourne vers le diesel et le GNL pour satisfaire sa demande. Plusieurs collectivités au Yukon ne sont pas raccordées au réseau électrique territorial. Pour elles, le diesel assure une production décentraliséeNote de bas de page 5 d’électricité. Le Yukon ne comptant pas de raffineries sur son territoire, le diesel est importé par camion de raffineries situées en Alberta ou en Alaska. Dans le cas de la collectivité d’Old Crow, qui ne peut être jointe que par les airs, le diesel doit être livré par avion. Bien qu’il ne soit pas possible de raccorder cette collectivité au réseau électrique territorial, celle-ci ne s’emploie pas moins à explorer la filière des énergies renouvelables [anglais seulement] pour réduire son empreinte écologique, accroître son autonomie énergétique et réduire ses coûts d’énergieNote de bas de page 6.

Centrales électriques, et lignes de transport et de distributio d'électricité
Source et description

Source : Gouvernement du Yukon

Description : La carte ci-dessus présente les réseaux et les centrales électriques du Yukon.

Aux Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), deux réseaux hydroélectriques [anglais seulement] alimentent en électricité un grand nombre de collectivitésNote de bas de page 7. Cependant, ces réseaux doivent relever d’énormes défis. Quand les précipitations au cours d’une année sont normales, l’hydroélectricité procure entre 95 % et 99 % de l’énergie au réseau Snare, qui alimente notamment la ville de Yellowknife. Lorsque les précipitations ne sont pas au rendez-vous, comme ce fut le cas en 2014-2015 et 2015-2016, ce même réseau n’a satisfait, en moyenne, que 68 % de la demande d’électricité, et il a fallu se tourner vers le diesel pour les 32 % restants.

Inuvik, aux T.N.-O., est une collectivité de plus de 3 000 habitants établie dans le delta du Mackenzie. Dans le passé, elle produisait de l’électricité à partir du gaz naturel provenant du champ de gaz Ikhil. Depuis 2013, Inuvik emploie du GNL qui lui est acheminé depuis Delta, en Colombie-Britannique. Grâce à l’achèvement, en 2017, de la route Inuvik-Tuktoyaktuk praticable à l’année, le hameau de Tuktoyaktuk envisage aussi de produire de l’électricité au moyen du GNL. À l’heure actuelle, Tuktoyaktuk, comme de nombreuses autres collectivités aux T.N.-O., dépend entièrement du diesel, un combustible plus coûteux que le GNL, pour répondre à ses besoins d’électricité.

On trouve aussi plusieurs mines en exploitation aux T.N.-O., qui sont toutes alimentées au diesel, sauf la mine de diamants Diavik, où quatre éoliennes répondent à 11 % de ses besoins.

Développement énergétique existant
Source et description

Source : Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest [anglais seulement]

Description : La carte ci-dessus présente les réseaux électriques, les centrales électriques utilisant des ressources renouvelables et les sites miniers des T.N.-O. Le réseau Snare, d’une capacité de 28 MW, est situé au nord du Grand lac des Esclaves et alimente en hydroélectricité la ville de Yellowknife. Le réseau Taltson, de moins grande capacité (18 MW) mais couvrant un plus vaste territoire, se trouve au sud du Grand lac des Esclaves. Tous les sites miniers des T.N. O. sont alimentés au diesel, sauf la mine de diamants Diavik, où quatre éoliennes répondent à 11 % de ses besoins.

Contrairement au Yukon et aux T.N.-O., le Nunavut n’a pour ainsi dire aucune production primaire d’énergieNote de bas de page 8, ne dispose d’aucun réseau régional et ne compte sur aucune source de production d’appoint. La quasi-totalité de ses besoins en énergie est comblée par une production décentralisée au diesel. Tout le diesel que consomme le Nunavut lui est acheminé par barges ou par navires durant l’été et stocké dans les diverses collectivités. La Société d’énergie Qulliq (SEQ) exploite 26 centrales au diesel disséminées dans 25 collectivités.

Bien que des projets d’énergie éolienne aient été tentés sans succès au Nunavut dans le passé, il demeure possible que les nouvelles générations d’éoliennes puissent y être exploitées en dépit des conditions rigoureuses de l’Arctique.

Possibilités dans le Nord

Les territoires du Canada se sont tous dotés d’une stratégie énergétique misant sur les énergétiques renouvelables et la réduction des GES.

Des trois territoires nordiques, le Yukon a le double avantage de disposer du réseau électrique le plus étendu et de produire la plus grande partie de son électricité à partir de ressources renouvelables. La stratégie énergétique du Yukon fixe comme priorité le remplacement du diesel par des ressources renouvelables dans les collectivités éloignées, ainsi que la diversification de l’approvisionnement en électricité, en tablant sur de telles énergies et le gaz naturel, qui produit moins d’émissions. La stratégie vise aussi une gestion de la demande, afin de réduire la consommation globale d’énergie et la consommation en périodes de pointe.

L’instauration, en 2013, du programme de micro-génération [anglais seulement] a aidé résidents et entreprises à compenser leur consommation d’électricité en fournissant au réseau territorial l’énergie qu’ils produisent par diverses formes renouvelables. Le Yukon est maintenant le chef de file [anglais seulement] de l’Ouest canadien pour le nombre de panneaux solaires en exploitation par habitant. La Stratégie énergétique du Yukon prévoit aussi la cartographie du potentiel éolien du territoire, opération qui est en cours, et mentionne l’existence d’un potentiel géothermique sur le territoire de la ville de Whitehorse.

La Stratégie énergétique 2030 des Territoires du Nord-Ouest [anglais seulement] fixe une cible de réduction des émissions de GES liées à la production d’électricité dans les collectivités qui utilisent du diesel, à 25 % en moyenne d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2018. Elle prévoit de porter à 40 % la part des énergétiques renouvelables pour le chauffage des locaux et l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments.

Vu le fort potentiel solaire de quelques régions, de nombreuses collectivités des T.N.-O. ont lancé des projets photovoltaïques (PV) solaires [anglais seulement]. En 2016, la capacité installée de ces systèmes s’élevait à 900 kilowatts, ce qui a permis de réduire la consommation de diesel de quelque 200 000 litres, selon les estimations. Avant 2015, Colville Lake abritait la plus vielle centrale au diesel des T.N.-O., et la collectivité de 160 âmes était aux prises avec de fréquentes pannes. En décembre 2015, un nouveau système hybride solaire/diesel/accumulateurs [anglais seulement] a été mis en service. Durant sa première année d’exploitation, il a remplacé plus de 37 000 litres de carburant diesel. Si les systèmes PV solaires bénéficient de l’abondant ensoleillement en été, ils sont aussi victimes du très petit nombre d’heures d’ensoleillement en hiver, saison où la production d’électricité est très faibleNote de bas de page 9.

Dans ses plans à long terme [anglais seulement], la Société d’énergie des Territoires du Nord-Ouest envisage de relier les réseaux Snare et Taltson pour mieux tirer parti des installations hydroélectriques actuelles et réduire la dépendance de certaines collectivités à l’égard du diesel pour produire de l’électricité. Elle songe aussi à raccorder le réseau Taltson à l’Alberta ou à la Saskatchewan, ce qui ferait des T.N. O. le premier territoire relié au réseau électrique nord-américain.

La Stratégie énergétique Ikummatiit du Nunavut a été mise en place en 2007. Parmi ses principaux objectifs, on note la volonté de réduire les émissions liées à l’énergie et la dépendance du Nunavut à l’égard des combustibles fossiles, tout en favorisant les sources d’énergie propres de remplacement. Le cadre énergétique [anglais seulement] de la SEQ étudie les coûts et les avantages des énergies renouvelables sur les tarifs demandés aux usagers de cinq collectivités. Selon la capacité éolienne installée dans chacune d’elle, l’analyse de haut niveau de la SEQ démontre l’existence d’un fort potentiel de réduction de la consommation de diesel. La période de récupération varierait de 9 à 31 années selon la collectivité.

Les régions situées dans la partie sud du Nunavut offrent un grand potentiel solaire, car elles bénéficient de quelque 20 heures d’ensoleillement en été et cinq heures en hiver. Un générateur solaire est en exploitation au Collège de l’Arctique, à Iqaluit, depuis 1995. Dans le cadre d’un projet pilote lancé en 2016, des panneaux solaires ont aussi été installés à la centrale de la Société d’énergie Qulliq, également à Iqaluit. La même année, le gouvernement du Nunavut a dévoilé un programme de facturation nette, qui permet aux résidents de recevoir un crédit sur leur facture mensuelle d’énergie pour l’excédent d’électricité qu’ils produisent par des sources d’énergie renouvelables et qu’ils fournissent au réseau de la collectivité.

Dans un rapport publié en 2015, le Comité sénatorial permanent sur l’énergie, l’environnement et les ressources naturelles indiquait que, dans les collectivités éloignées du Nord, « la production au diesel est la seule option viable pour disposer d’une énergie fiable et cette situation devrait se poursuivre encore quelque temps. » D’autres technologies permettant de produire la charge de base pourraient être viables dans les années à venir, par exemple les petits réacteurs nucléaires modulaires Ces réacteurs, d’une capacité maximale de 300 MW, peuvent produire de l’électricité sans aucune émission ni aucun besoin d’être réalimentés, pendant des dizaines d’années. Bien qu’aucun réacteur de ce type ne soit en exploitation actuellement au Canada, une étude [anglais seulement] menée par Laboratoires Nucléaires Canadiens a conclu que les petits réacteurs nucléaires modulaires pourraient être viables sur le plan économique dans le Nord et permettre de diminuer les coûts de l’électricité.

Filières énergétiques canadiennes

Les collectivités éloignées et hors réseau au Canada, en particulier dans le Nord, forment des éléments uniques de la filière énergétique diversifiée du pays. Pour en apprendre davantage sur la filière énergétique de votre province ou territoire, consultez le site Web de l’Office qui présente les profils énergétiques des provinces et territoires et, pour vous renseigner sur l’évolution du secteur de l’électricité au Canada, prenez connaissance du Rapport sur l’avenir énergétique au Canada en 2017 de l’Office et des visualisations qui l’accompagne.

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